mercredi 8 novembre 2023

𝘽𝙡𝙖𝙭𝙥𝙡𝙤𝙞𝙩𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣

 La Blaxploitation se définit comme un genre cinématographique né aux Etats-Unis au début des années 70. Ce terme a été formé à partir de deux mots : “Black” (pour Afro-américain) et “Exploitation”. 

Le “cinéma d’exploitation”, typiquement américain, se réfère à une conception spécifique du cinéma populaire, où il s’agit d’“exploiter” un thème de façon commerciale, et la plupart du temps avec un budget assez étroit.

La notion de “cinéma d’auteur” y est pratiquement inexistante, le réalisateur étant au service des producteurs pour mettre en scène efficacement un scénario limpide et manichéen.
Dans cette logique, les affiches de ce type de films, souvent réalisées à partir de peintures suggestives et spectaculaires aux couleurs vives, rejoignent l’esthétique de la surenchère et de l’exagération des spectacles forains, où il s’agit de pousser les clients à entrer dans la salle.
Les années 50, 60 et 70 vont ainsi voir déferler sur les écrans US des vagues de films de “bikesploitation” (films mettant en scène des gangs de bikers), “surfsploitation” (films exploitant le phénomène de la culture surf), “sexploitation” (films érotiques soft puis hard, précédant la vague porno hard du milieu des années 70)… et “blaxploitation”.
Ce dernier genre est issu des bouleversements sociaux et politiques traversés par la société américaine depuis la fin de la seconde guerre mondiale et marqués par les revendications de plus en plus pressantes de la communauté noire, reléguée à l’arrière-plan et encore discriminée dans de nombreux Etats. 
En 1964 le président Johnson signe la “loi sur les Droits des citoyens” qui met fin à la discrimination raciale dans les écoles et les institutions publiques.
Cependant le climat de contestation se radicalise et débouche en juillet 1967 sur une série d’émeutes, entre autres à Detroit. Martin Luther King, porte-parole des Noirs modérés, est assassiné en 1968.
C’est dans ce contexte troublé que certains cinéastes désirent modifier la représentation culturelle des Afros-américains, jusqu’alors cantonnés au cinéma hollywoodien dans des rôles subalternes. 
Dans cette optique il s’agira dès lors de donner le premier rôle à des comédiens et à des actrices issus de cette communauté, et de les valoriser au maximum. 
Les studios hollywoodiens, toujours à la recherche de nouveaux filons à creuser, flairent le potentiel commercial de cette tendance et lancent en 1971 “Shaft, Les Nuits Rouges de Harlem”. Cette histoire de détective privé noir affirmant son identité en s’imposant face à des Blancs racistes et corrompus bénéficie en outre d’une bande-son signée Isaac Hayes, un des maîtres du groove funk/soul. 
Le considérable succès commercial de cette formule va engendrer l’arrivée dans les salles d’une vague de films mettant en scène des héroïnes et des héros afro-américains et revisitant tous les genres cinématographiques à succès (horreur, kung fu, western, comédie musicale…), avec une nette préférence pour les polars urbains âpres et violents. Outre leur caractère ouvertement violent, certains de ces films présentaient aussi des scènes de nudité intégrale, rarissimes dans le cinéma américain destiné à un public populaire.







Les films les plus représentatifs de la Blaxploitation seront aussi souvent accompagnés par une musique de très grande qualité, composée par les plus talentueux musiciens de l’époque : James Brown (“Black Caesar”), Curtis Mayfield (“Superfly”), Willie Hutch (“The Mack”)…
Le musicien Isaac Hayes exhibera même son imposante stature dans “Truck Turner” et “Three Tough Guys”, deux films dont il signera aussi la bande-son.
Ce style musical influencera évidemment la musique populaire afro-américaine, par exemple des pochettes de LPs reprendront certains éléments “iconiques” des films : muscle cars, armes à feu…













Le style graphique des affiches se démarque par sa sophistication (des scènes peintes aux couleurs chaudes, très détaillées) et l’usage de polices de caractères massives et très lisibles redessinées, ainsi que des lettrages de titres créées par les plus grands typographes (Ed Benguiat pour “Superfly”).
La version de la police Caslon avec ses “swashes”, élaborée par Ed Benguiat, sera utilisée dans l’affiche “Foxy Brown” et reprise par Quentin Tarantino pour son film-hommage “Jackie Brown”.
A l’instar des autres courants cinématographiques destinés à un public populaire, la Blaxploitation connaîtra un inévitable déclin puis disparaîtra à la fin des années 70 suite à une surabondance de films caricaturaux se complaisant dans les pires clichés de l’enfer urbain (ghetto, meurtres, drogue, prostitution…).

Ce genre révolu constitue aujourd’hui une référence majeure. Il a exercé une influence considérable sur le marketing publicitaire et certaines subcultures actuelles, d’une part à travers ses codes graphiques (le style coloré et les typographies de ses affiches) et d’autre part grâce à ses bandes-sons largement samplées et réutilisées entre autres dans le hip hop.