dimanche 17 septembre 2023

𝙇𝙖 𝙘𝙞𝙣𝙚́𝙢𝙖𝙩𝙝𝙚̀𝙦𝙪𝙚 𝙞𝙢𝙖𝙜𝙞𝙣𝙖𝙞𝙧𝙚


B2 Graphisme – Q1 (2023-2024)

Pratique éditoriale
La cinémathèque imaginaire

SOMMAIRE


1. Introduction

2. La cinémathèque imaginaire

3. Références visuelles

    A. Les affiches peintes du Ghana

    B. Ramachandraiah

    C. Bollywood Horror

    D. Affiches de cinéma des pays de l'Est



1. INTRODUCTION


Ce projet a été imaginé en partenariat avec la Cinematek (Cinémathèque Royale de Belgique) et avec votre cours de cinéma donné par mr. Christophe Piette, qui y exerce le poste de programmateur.

Il consiste en deux étapes successives.


A. Réaliser l'affiche d'un film que vous n'auriez pas encore vu


Il s'agit de choisir 3 films parmi les 7 titres ci-dessous, puis d'en réaliser 1 affiche (minimum) au format final imprimé 115 x 79 cm (technique entièrement libre) :


• Inauguration of the Pleasure Dome
Réal. : Kenneth Anger, USA, 1954
Ce chef-d'oeuvre du cinéma expérimental a exercé une influence prépondérante sur l'esthétique psychédélique des années 1960. Visuellement très riche et rempli de symbolisme mystique, ce film évoque l'occultisme et la sorcellerie d'Aleister Crowley.

• Danger Diabolik
Réal. : Mario Bava, Italie, 1968
Ce film marquant de la pop culture des années 1960, baigné dans la musique d'Ennio Morricone, retrace les exploits de Diabolik, super criminel masqué, et de sa somptueuse compagne Eva Kant.

• Profound Desire of the Gods
Réal. : Shohei Imamura, Japon, 1968
Drame réalisé par un cinéaste japonais important, montrant un ingénieur face à la barbarie d'une communauté primitive.  

• Acht Stunden sind kein Tag
Réal. Reiner Werner Fassbinder, Allemagne, 1972
Œuvre d'un des plus grands réalisateurs allemands, décrivant la vie quotidienne d'une famille ouvrière.

• Je, tu, il, elle
Réal. : Chantal Ackerman, Belgique, 1974
Drame signé par une réalisatrice belge qui a bouleversé le cinéma en profondeur.

• Kristina Talking Pictures
Réal. : Yvonne Rainer, USA, 1976
Un des films féministes les plus importants des années 1970. Une dompteuse de lion hongroise, débarque à New York afin de devenir chorégraphe. Elle débute une histoire d'amour  avec un marin. Ce long métrage bouscule les conventions narratives du cinéma en adoptant des formes avant-gardistes.

• Interstella 5555: The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem
Réal. : Kazuhisa Takenoushi, France / Japon, 2003
Magistral hommage au dessin animé Albator, orchestré par les Daft Punk.

Ces films font partie de la programmation de la Cinematek.
Vos affiches feront l'objet d'une sélection par deux membres de la Cinematek.
Les 7 affiches retenues seront encadrées et mises en exposition
 à la Cinematek durant un week-end du mois de juin 2024 (date à préciser).

B. Réaliser un programme reprenant les 7 films proposés et l'imprimer en riso au PrintLab (en relation avec le cours de Ronan).

A cet effet, je vous présenterai mercredi des échantillons de programmes provenant de différentes cinémathèques et salles de cinéma.

2. LA CINEMATHEQUE IMAGINAIRE

La réalisation de l'affiche de film pas encore vu appartient intrinsèquement à la pratique du graphisme de cinéma.
Ce processus s'explique, en partie, par les étapes de fabrication d'un film.
En effet, lorsque les studios de production cherchent à promouvoir celui-ci, elles demandent d'abord à des artistes de produire des affiches.


Poster promotionnel de Star Wars, 1976, par Howard Chaykin (soit un an avant la sortie du film)..

On peut donc parler ici d'affiches imaginaires de films qui n'existent pas (encore).
Historiquement, le cinéma de genre et de séries B (comédie, horreur, policier, western, péplum, science-fiction...), des années 1950 au début des années 1980, a eu tendance à produire des affiches et des visuels dramatisés et exagérés, afin d'amener le public à entrer dans les salles. Ces compositions montraient parfois des éléments qui n'existaient pas dans les films.
Quelques exemples de pavés de presse promotionnels de films de genre (ces visuels imprimés dans les journaux ou distribués dans des programmes gratuits représentaient une sorte de bande-annonce minimaliste du film) : 



Pavé de presse belge de King Kong se révolte, 1976.


Pavé de presse belge de Zombie, 1978.


Pavé de presse belge de La Nuit des vers géants, 1976.

D'autre part, l'affiche imaginaire fait appel à une forme de poésie visuelle. L'artiste construit sa composition en se basant uniquement sur les images mentales évoquées par le titre.
Voici des exemples provenant de L'Ecran du Séminaire des Arts, séances de cinéma organisées par le Palais des Beaux-Arts avant la création de la Cinémathèque Royale en 1962.
A ces occasions, le Palais des Beaux-Arts commandait des cartons d'invitation à des artistes belges reconnus, dont René Magritte. Ces cartons étaient (remarquablement bien) imprimés en sérigraphie.
Les artistes créaient donc leurs visuels sans avoir vu les films.



Carton d'invitation de Les Trois lumières, Fritz Lang, 1921.




Carton d'invitation de Le Signe de Zorro, 1920.



Carton d'invitation de Une femme dans chaque port, 1928.
Carton d'invitation de La Caida, 1959.



Carton d'invitation de Tu ne tueras point, 1922.


Carton d'invitation de La Lettre rouge, 1926.


Carton d'invitation de Déjà s'envole la fleur maigre, 1960.


3. REFERENCES VISUELLES


A. Les affiches peintes du Ghana


Le Ghana est un pays de l'Afrique occidentale, voisin de la Côte d'Ivoire, du Togo et du Bénin.
Il bénéficiait d'un réseau de salles de cinéma, qui commença hélas à péricliter suite à la difficulté de
trouver des pièces de rechange destinées aux projecteurs 35 mm.
Au début des années 1980, l'arrivée de la vidéo signa la fin des salles traditionnelles et engendra un
marché neuf. Une multitude d'échoppes se créèrent alors, louant des cassettes vidéo à des salles
de quartier improvisées équipées de bancs en bois, de chaises en plastique et de télévisions.
Les catalogues des films proposés à la location comprenaient de nombreuses productions
hollywoodiennes de série B (horreur, fantastique, heroic fantasy, science-fiction, action…), 
du kung fu asiatique et également des réalisations locales tournées en video 8 mm.
Etant donné les faibles ressources économiques de ce circuit d’exploitation et l’absence totale 
de matériel publicitaire, un certain nombre d’artistes locaux commencèrent à peindre sur du 
carton ou des sacs de farine des affiches destinées à accompagner les projections de ces films 
dans ces salles de quartier.
Ne possédant parfois en tant que source d’inspiration qu’un seul document photographique 
voire aucune référence par rapport à l’affiche du film à réaliser, ces artisans engendrèrent 
une prodigieuse esthétique de la débrouille et du détournement, peignant des œuvres 
uniques, destinées au départ à servir de support publicitaire mais transformées en objets 
artistiques. Des stars hollywoodiennes célébrissimes, représentées à travers le prisme de 
la culture africaine et la réinterprétation personnelle de ces artistes peintres, se transforment 
en êtres fantasmagoriques. 
Un jeu de miroirs cinématographique se crée alors entre les codes de représentation occidentaux 
et une tradition picturale locale vivace.
Par delà l’espace et le temps les peintres ghanéens rejoignent une autre forme d’artisanat destiné 
à annoncer un spectacle : les bannières des sideshows (ou “cirques de l’étrange”) américains et 
ses corps singuliers.
Mais c’est à travers la réalisation d’affiches de films spécifiquement africains que tous ces artistes 
donnent véritablement libre cours à leur imagination dans une spectaculaire ambiance de 
magieLe début des années 1990 vit l’éclosion, au Ghana et au Nigéria, de milliers de films 
à petits budgets tournés en quelques jours en vidéo, avec une prédilection pour le genre 
horrifique. Cette industrie, aujourd’hui dominée par de puissantes sectes religieuses, est plus 
que jamais florissante.
Quant à l’âge d’or des affiches peintes, il se termina à la fin des années 1990, lorsque les 
échoppes des vidéos-clubs furent éliminées par l’arrivée des lecteurs de cds puis 
des retransmissions par antennes satellites.

Bibliographie
Extreme Canvas, Hand-Painted Movie Posters from Ghana, Ernie Wolfe III,
Dilettante Press, 2001
Holywoodoo, incredibles movie posters du Ghana, Pascal Saumade,
Le Dernier Cri, janvier 2003
Mollusk #6, Ghana Movie Posters, Bongout GmbH, Berlin, january 2008










































































B. Ramachandraiah 

Cet affichiste indien (toujours en activité ?) possède un petit atelier-imprimerie dans la ville de Bangalore où il travaille à la commande depuis 1971 pour les cinémas locaux, réalisant des affiches pour des films aussi bien indiens qu’occidentaux.

Il ne s’agit donc pas de posters officiels mais d’oeuvres subjectives, où l’artiste interprète à sa façon sa propre vision du film.
On peut presque parler de “bootlegs” ou de “posters pirates”.
Les originaux sont entièrement réalisés à la main, en 5 couleurs, puis imprimés en lithographie par une vieille machine sur du papier très fin au format 30 x 20 inches (environ 75 x 50 cm). Ils sont ensuite placardés un peu partout dans la ville, comme des sortes de publicités sauvages.
L’atelier imprime un poster différent toutes les 3 heures. Il produit donc deux à trois posters chaque jour.
Ramachandraiah a donc déjà réalisé probablement plus de 20.000 affiches originales.
Il en résulte des images dont l’esthétique se situe entre le carnet de croquis et l’étiquette de boisson gazeuse.
Ce travail est très intéressant à étudier car il s’agit d’un vocabulaire graphique reposant entièrement sur l’économie de moyens et l’efficacité.
L’artiste a mis au point une grille lui permettant de réaliser sa commande le plus rapidement possible.
Techniquement l’affiche de format horizontal comprend presque toujours un fond décomposé en 2 parties : quadrillages à gauche et lignes horizontales à droite. Ce fond est colorié horizontalement en jaune, puis rouge, bleu et vert.

L’affiche se divise la plupart du temps en deux parties : le ou les personnages (maximum 3) à gauche sur le fond quadrillé, et les typos à droite sur le fond ligné. Le titre du film est souvent tracé en rouge dans un cartouche et figure dans la partie inférieure de la composition. Les personnages sont dessinés au trait, la matière créée avec des lignes ou des quadrillages.


















































 

C. Bollywood Horror

L’industrie cinématographique indienne, connue sous le terme de “Bollywood”, occupe le premier rang mondial en termes de production et du nombre de spectateurs.

Le marché des films indiens s’étend à l’Afrique, au Moyen-Orient et à l’Asie du Sud Est. Certains blockbusters sont même doublés en d’autres langues.
Le genre horrifique y a toujours occupé une place privilégiée dès la fin des années 40, avec des histoires de fantômes.
Les années 70 et 80 voient les films d’horreur évoluer et rencontrer un succès sans cesse croissant, qui se poursuit encore ajourd’hui.
Les réalisateurs puisent leurs influences dans la littérature, le folklore et les légendes indiennes, mélangés à des influences occidentales (notamment L’Exorciste, de William Friedkin). Ces influences peuvent aller jusqu’au remake pur et simple.
Graphiquement, les affiches entièrement peintes à la main ont tendance à disparaître à partir des années 80 pour être remplacées par des photomontages ou des collages, où subsiste néanmoins l’esthétique spectaculaire et naïve propre aux films d’exploitation (messages visuels explicites).
Le spectateur est placé devant un déluge visuel où se mêlent têtes de créatures malfaisantes, visages horrifiés parfois couverts de sang, têtes de mort, dans des tons où dominent le jaune, l’orange et le rouge, contrastant avec le bleu et le vert qui peuvent apparaître dans les fonds..
La composition est fréquemment pyramidale, la position dominante étant occupée par une grande tête démoniaque autour de laquelle s’enchevêtrent plusieurs personnages représentés à différentes échelles. Le titre, souvent placé en évidence en bas de l’affiche, est construit comme une image à part entière avec des effets de perspective, de matière et de volume.












































D. Les affiches de cinéma des pays de l’Est : Pologne et Tchécoslovaquie

Après la Seconde Guerre mondiale, la Pologne et la Tchécoslovaquie passent sous domination soviétique. Cet assujetissement se marque évidemment sur le plan idéologique, qui prône la suprématie esthétique du “réalisme socialiste”.
En Pologne l’industrie du cinéma passe donc entièrement sous le contrôle de l’Etat. Même si certains films “étrangers” y sont distribués, toute publicité est interdite. Leurs affiches originales y demeurent donc invisibles. Soumis à la fois à la censure et à des conditions économiques difficiles, les affichistes polonais sont enjoints d’œuvrer dans un “but éducatif”. Ils parviennent à réinventer des affiches de ces films en privilégiant l’abstraction, les symboles et les lectures à plusieurs niveaux, au lieu d’un message graphique percutant et spectaculaire à visée commerciale “à l’occidentale”.
A partir des années 60 et jusqu’au milieu des années 80, se développe alors un style d’affiches de cinéma unique au monde, mais peu connu en dehors de la Pologne. Héritières d’une richissime tradition de l’affiche remontant au début du XIXème siècle, basées sur le dessin, très créatives malgré un cadre socio-économique restrictif, les affiches de cinéma polonaises offrent une vision alternative, suprenante et poétique par rapport aux canons artistiques occidentaux.
Lors de l’effondrement du bloc soviétique, l’économie polonaise se privatise et le pays s’ouvre aux distributeurs de cinéma américains et européens, qui inondent le marché avec leurs visuels standardisés.
Néanmoins l’école de l’affiche polonaise n’a pas complétement disparu et survit encore aujourd’hui.