SOMMAIRE
1. Introduction
2. La cinémathèque imaginaire
3. Références visuelles
A. Les affiches peintes du Ghana
B. Solenne Capmas
C. Camille Lavaud-Benito
D. Félicité Landrivon
E. Ramachandraiah
F. Bollywood Horror
G. Tadanori Yokoo
H. Affiches de cinéma des pays de l'Est
1. INTRODUCTION
Ce projet a été imaginé en partenariat avec CINEMATEK (Cinémathèque Royale de Belgique) et avec votre cours de cinéma donné par mr. Christophe Piette, qui y exerce le poste de programmateur.
Il consiste en deux étapes successives.
A. Réaliser l'affiche d'un film que vous n'auriez pas encore vu
Il s'agit de choisir 3 films parmi les 7 titres ci-dessous, puis d'en réaliser 1 affiche (minimum) au format final imprimé 115 x 79 cm (technique entièrement libre) :
• Gambling, Gods and LSD
Réal. : Peter Mettler, Suisse, 2002
Ce documentaire-fleuve expérimental nous invite à parcourir le monde et à rencontrer des personnes vivant des expériences hors du commun. Elles cherchent à donner du sens à leurs vies à travers la religion, le sexe, la drogue…
• Easy Rider
Réal. : Dennis Hopper, USA, 1969
Ce road movie, emblématique de la fin des Sixties, retrace les péripéties de deux motards qui traversent l’Amérique.
• Five Easy Pieces
Réal. : Bob Rafelson, USA, 1970
Un jeune pianiste virtuose fuit sa famille bourgeoise pour travailler comme ouvrier sur une plateforme pétrolière. Représentatif du Nouvel Hollywood et d’une nouvelle conception du cinéma américain, Five Easy Pieces dresse le portrait d’un (anti)héros rebelle, marginal, nomade et en quête d’une sérénité intérieure.
• Tommy
Réal. : Ken Russel, Royaume-Uni, 1975
Epopée rock psychédélique délirante, Tommy montre l’avènement d’un nouveau Messie idolâtré par les foules.
• La Tête contre les murs
Réal. : Georges Franju, France, 1959
Un jeune bourgeois révolté s’oppose à son père. Celui-ci le fait interner. Ce film décrit l’univers très dur des hôpitaux psychiatriques et illustre le conflit des générations.
• In der Dämmerstunde - Berlin / Berlin de l'aube à la nuit
Réal. : Annik Leroy, Belgique/Allemagne (RFA), 1981
Ce documentaire expérimental et poétique raconte les déambulations de la réalisatrice lors de ses voyages à Berlin.
• Blind Date
Réal. : Joseph Losey, Royaume-Uni, 1959
Remarquable enquête policière qui analyse les rapports de classe dans une Angleterre encore très conservatrice.
Ces films font partie de la programmation de CINEMATEK.
Vos affiches feront l'objet d'une sélection par deux membres de CINEMATEK.
Les 7 affiches retenues seront encadrées et mises en exposition à CINEMATEK durant un week-end du mois de juin 2025 (date à préciser).
B. Réaliser un programme reprenant les 7 films proposés et l'imprimer en riso au PrintLab (en relation avec le cours de Ronan).
A cet effet, je vous présenterai mercredi des échantillons de programmes provenant de différentes cinémathèques et salles de cinéma.
2. LA CINEMATHEQUE IMAGINAIRE
La réalisation de l'affiche de film pas encore vu appartient intrinsèquement à la pratique du graphisme de cinéma.
Ce processus s'explique, en partie, par les étapes de fabrication d'un film.
En effet, lorsque les studios de production cherchent à promouvoir celui-ci, elles demandent d'abord à des artistes de produire des affiches.
Poster promotionnel de Star Wars, 1976, par Howard Chaykin (soit un an avant la sortie du film)..
On peut donc parler ici d'affiches imaginaires de films qui n'existent pas (encore).
Historiquement, le cinéma de genre et de séries B (comédie, horreur, policier, western, péplum, science-fiction...), des années 1950 au début des années 1980, a eu tendance à produire des affiches et des visuels dramatisés et exagérés, afin d'amener le public à entrer dans les salles. Ces compositions montraient parfois des éléments qui n'existaient pas dans les films.
Quelques exemples de pavés de presse promotionnels de films de genre (ces visuels imprimés dans les journaux ou distribués dans des programmes gratuits représentaient une sorte de bande-annonce minimaliste du film) :
Pavé de presse belge de King Kong se révolte, 1976.
Pavé de presse belge de Zombie, 1978.
Pavé de presse belge de La Nuit des vers géants, 1976.
D'autre part, l'affiche imaginaire fait appel à une forme de poésie visuelle. L'artiste construit sa composition en se basant uniquement sur les images mentales évoquées par le titre.
Voici des exemples provenant de L'Ecran du Séminaire des Arts, séances de cinéma organisées par le Palais des Beaux-Arts avant la création de la Cinémathèque Royale en 1962.
A ces occasions, le Palais des Beaux-Arts commandait des cartons d'invitation à des artistes belges de dimension internationale, dont René Magritte. Ces cartons étaient (remarquablement bien) imprimés en sérigraphie.
Les artistes créaient donc leurs visuels sans avoir vu les films.
Carton d'invitation de Les Trois lumières, Fritz Lang, 1921.
Carton d'invitation de Le Signe de Zorro, 1920.
Carton d'invitation de Une femme dans chaque port, 1928.
Carton d'invitation de La Caida, 1959.
Carton d'invitation de Tu ne tueras point, 1922.
Carton d'invitation de La Lettre rouge, 1926.
Carton d'invitation de Déjà s'envole la fleur maigre, 1960.
3. REFERENCES VISUELLES
A. Les affiches peintes du Ghana
Le Ghana est un pays de l'Afrique occidentale, voisin de la Côte d'Ivoire, du Togo et du Bénin.
Il bénéficiait d'un réseau de salles de cinéma, qui commença hélas à péricliter suite à la difficulté de
trouver des pièces de rechange destinées aux projecteurs 35 mm.
Au début des années 1980, l'arrivée de la vidéo signa la fin des salles traditionnelles et engendra un
marché neuf. Une multitude d'échoppes se créèrent alors, louant des cassettes vidéo à des salles
de quartier improvisées équipées de bancs en bois, de chaises en plastique et de télévisions.
Les catalogues des films proposés à la location comprenaient de nombreuses productions
hollywoodiennes de série B (horreur, fantastique, heroic fantasy, science-fiction, action…),
du kung fu asiatique et également des réalisations locales tournées en video 8 mm.
Etant donné les faibles ressources économiques de ce circuit d’exploitation et l’absence totale
de matériel publicitaire, un certain nombre d’artistes locaux commencèrent à peindre sur du
carton ou des sacs de farine des affiches destinées à accompagner les projections de ces films
dans ces salles de quartier.
Ne possédant parfois en tant que source d’inspiration qu’un seul document photographique
voire aucune référence par rapport à l’affiche du film à réaliser, ces artistes engendrèrent
une prodigieuse esthétique de la débrouille et du détournement, peignant des œuvres
uniques, destinées au départ à servir de support publicitaire mais transformées en objets
artistiques. Des stars hollywoodiennes célébrissimes, représentées à travers le prisme de
la culture africaine et la réinterprétation personnelle de ces peintres, se transforment en êtres fantasmagoriques.
Un jeu de miroirs cinématographique se crée alors entre les codes de représentation occidentaux
et une tradition picturale locale vivace.
Par delà l’espace et le temps, ces peintres. rejoignent une autre forme d’artisanat destiné
à annoncer un spectacle : les bannières des sideshows (ou “cirques de l’étrange”) américains et
ses corps singuliers.
Mais c’est à travers la réalisation d’affiches de films spécifiquement africains que tous ces artistes
donnent véritablement libre cours à leur imagination dans une spectaculaire ambiance de
magie. Le début des années 1990 vit l’éclosion, au Ghana et au Nigéria, de milliers de films
à petits budgets tournés en quelques jours en vidéo, avec une prédilection pour le genre
horrifique. Cette industrie, aujourd’hui dominée par de puissantes sectes religieuses, est plus
que jamais florissante.
Quant à l’âge d’or des affiches peintes, il se termina à la fin des années 1990, lorsque les
échoppes des vidéos-clubs furent éliminées par l’arrivée des lecteurs de cds puis
des retransmissions par antennes satellites.
Bibliographie
Extreme Canvas, Hand-Painted Movie Posters from Ghana, Ernie Wolfe III,
Dilettante Press, 2001
Holywoodoo, incredibles movie posters du Ghana, Pascal Saumade,
Le Dernier Cri, janvier 2003
Mollusk #6, Ghana Movie Posters, Bongout GmbH, Berlin, january 2008






































































B. Solenne Capmas
Jeune artiste française contemporaine, costumière de cirque, complétement imprégnée de la culture des freakshows, elle s'inspire directement des techniques et du vocabulaire visuel des peintures africaines pour réaliser des tableaux colorés bourrés d'énergie et d'humour au second degré.
Il s'en dégage un sentiment de liberté sauvage et iconoclaste :
https://www.instagram.com/solennecapmas/
C. Camille Lavaud-Benito
Artiste française pluridisciplinaire à l'univers foisonnant, très inspiré par le cinéma et le graphisme des années 1930 à 1950.
Autrice de bande dessinée, affichiste, illustratrice, peintre, lettreuse, elle déploie ses talents à travers des compositions personnelles truffées de détails à explorer :
https://www.instagram.com/camillelavaudbenito/
D. Félicité Landrivon
Graphiste française actuelle, connue aussi sous les noms de Brigade Cynophile et de Félicité Perpétuelle.
Impliquée dans le circuit du rock indépendant, elle a réalisé des dizaines d'affiches de concert, d'événements divers et de ciné-club.
Son style se caractérise par des emprunts au graphisme vernaculaire des années 1970.
Elle a également créé le fanzine féministe Ventoline.
https://www.instagram.com/brigadecynophile/
https://brigadecynophile.bigcartel.com/product/ventoline-6
E. Ramachandraiah
Cet affichiste indien (toujours en activité ?) possède un petit atelier-imprimerie dans la ville de Bangalore où il travaille à la commande depuis 1971 pour les cinémas locaux, réalisant des affiches pour des films aussi bien indiens qu’occidentaux.
Il ne s’agit donc pas de posters officiels mais d’oeuvres subjectives, où l’artiste interprète à sa façon sa propre vision du film.
On peut presque parler de “bootlegs” ou de “posters pirates”.
Les originaux sont entièrement réalisés à la main, en 5 couleurs, puis imprimés en lithographie par une vieille machine sur du papier très fin au format 30 x 20 inches (environ 75 x 50 cm). Ils sont ensuite placardés un peu partout dans la ville, comme des sortes de publicités sauvages.
L’atelier imprime un poster différent toutes les 3 heures. Il produit donc deux à trois posters chaque jour.
Ramachandraiah a donc déjà réalisé probablement plus de 20.000 affiches originales.
Il en résulte des images dont l’esthétique se situe entre le carnet de croquis et l’étiquette de boisson gazeuse.
Ce travail est très intéressant à étudier car il s’agit d’un vocabulaire graphique reposant entièrement sur l’économie de moyens et l’efficacité.
L’artiste a mis au point une grille lui permettant de réaliser sa commande le plus rapidement possible.
Techniquement l’affiche de format horizontal comprend presque toujours un fond décomposé en 2 parties : quadrillages à gauche et lignes horizontales à droite. Ce fond est colorié horizontalement en jaune, puis rouge, bleu et vert.
L’affiche se divise la plupart du temps en deux parties : le ou les personnages (maximum 3) à gauche sur le fond quadrillé, et les typos à droite sur le fond ligné. Le titre du film est souvent tracé en rouge dans un cartouche et figure dans la partie inférieure de la composition. Les personnages sont dessinés au trait, la matière créée avec des lignes ou des quadrillages.



























F. Bollywood Horror
L’industrie cinématographique indienne, connue sous le terme de “Bollywood”, occupe le premier rang mondial en termes de production et du nombre d'entrées en salles.
Le marché des films indiens s’étend à l’Afrique, au Moyen-Orient et à l’Asie du Sud Est. Certains blockbusters sont même doublés en d’autres langues.
Le genre horrifique y a toujours occupé une place privilégiée dès la fin des années 40, avec des histoires de fantômes.
Les années 70 et 80 voient les films d’horreur évoluer et rencontrer un succès sans cesse croissant, qui se poursuit encore ajourd’hui.
Les cinéastes puisent leurs influences dans la littérature, le folklore et les légendes indiennes, mélangés à des influences occidentales (notamment L’Exorciste, de William Friedkin). Ces influences peuvent aller jusqu’au remake pur et simple.
Graphiquement, les affiches entièrement peintes à la main ont tendance à disparaître à partir des années 80 pour être remplacées par des photomontages ou des collages, où subsiste néanmoins l’esthétique spectaculaire et naïve propre aux films d’exploitation (messages visuels explicites).
Nous sommes placés devant un déluge visuel où se mêlent têtes de créatures malfaisantes, visages horrifiés parfois couverts de sang, têtes de mort, dans des tons où dominent le jaune, l’orange et le rouge, contrastant avec le bleu et le vert qui peuvent apparaître dans les fonds..
La composition est fréquemment pyramidale, la position dominante étant occupée par une grande tête démoniaque autour de laquelle s’enchevêtrent plusieurs personnages représentés à différentes échelles. Le titre, souvent placé en évidence en bas de l’affiche, est construit comme une image à part entière avec des effets de perspective, de matière et de volume.
G. Tadanori Yokoo
Artiste japonais né en 1936, sans doute le graphiste le plus talentueux et le plus célèbre de son pays. Très prolifique, il débute sa carrière en réalisant des affiches pour des théâtres qui remportent énormément de succès grâce à son audace qui paraît sans limites.
Il présente déjà plusieurs niveaux de lecture grâce à un mélange détonnant d’influences qui vont de l’art traditionnel japonais du packaging au style victorien anglais du XIXème siècle.
A partir du début des années 70, en plein courant psychédélique, il commence à réaliser des pochettes de disques et des posters pour des artistes occidentaux, dont Santana, Emerson, Lake & Palmer, Earth, Wind & Fire, Miles Davis… et les Beatles.
Son travail évolue. En mélangeant photos recoloriées et dessin, il évoque la technique du collage, mais il y ajoute sa fascination pour la culture indienne, les sciences occultes et la croyance d’une vie extraterrestre. Avec beaucoup de subtilité, il confronte l’image des pop stars à des symboles religieux et ésotériques et il leur offre une dimension mystique.
A travers ses recherches graphiques, Tadanori Yokoo nous emmène à la rencontre de son propre désir : la construction d’un futur utopique.
Une des caractéristiques de son travail consiste à franchir toutes les barrières de l’imagination et à exploiter la totalité des ressources de son immense bagage graphique, se nourrissant à la fois des cultures asiatiques (Inde, Japon, Chine) et occidentales. Il utilise de nombreuses images traditionnelles japonaises (soleil levant, Mont Fuji, vagues empruntées à Hokusai) pour les détourner et créer des chocs sémiotiques en les juxtaposant à des icônes graphiques issues d’autres cultures.
Un autre aspect de son talent réside dans ses éblouissantes compositions dynamiques. En jouant sur les changements d’échelle, le positionnement surprenant des typographies et la force des diagonales, il engendre un véritable vertige graphique.
H. Les affiches de cinéma des pays de l’Est : Pologne et Tchécoslovaquie
Après la Seconde Guerre mondiale, la Pologne et la Tchécoslovaquie passent sous domination soviétique. Cet assujetissement se marque évidemment sur le plan idéologique, qui prône la suprématie esthétique du “réalisme socialiste”.En Pologne l’industrie du cinéma passe donc entièrement sous le contrôle de l’Etat. Même si certains films “étrangers” y sont distribués, toute publicité est interdite. Leurs affiches originales y demeurent donc invisibles. Soumis à la fois à la censure et à des conditions économiques difficiles, les artistes œuvrent dans un “but éducatif”. Leurs créations réinventent des affiches de ces films en privilégiant l’abstraction, les symboles et les lectures à plusieurs niveaux, au lieu d’un message graphique percutant et spectaculaire à visée commerciale “à l’occidentale”.
A partir des années 60 et jusqu’au milieu des années 80, se développe alors un style d’affiches de cinéma unique au monde, mais peu connu en dehors de la Pologne. Héritières d’une richissime tradition de l’affiche remontant au début du XIXème siècle, basées sur le dessin, très créatives malgré un cadre socio-économique restrictif, les affiches de cinéma polonaises offrent une vision alternative, suprenante et poétique par rapport aux canons artistiques occidentaux.
Lors de l’effondrement du bloc soviétique, l’économie polonaise se privatise et le pays s’ouvre aux distributeurs de cinéma américains et européens, qui inondent le marché avec leurs visuels standardisés.
Néanmoins l’école de l’affiche polonaise n’a pas complétement disparu et survit encore aujourd’hui.