jeudi 19 octobre 2023

𝘿'𝙀𝙡𝙫𝙞𝙨 𝙖̀ 𝙅𝙤𝙮 𝘿𝙞𝙫𝙞𝙨𝙞𝙤𝙣

 Affiches country et rock'n'roll, style Boxing Style et Hatch Show Print

Depuis les années 30, il existe déjà aux Etats-Unis des affiches largement diffusées pour la country music et le rhythm’n’blues.
Ces affiches sont alors réalisées directement par des imprimeurs typographes, on ne parle pas encore de graphistes.
L’imprimerie Hatch Show Print de Nashville se spécialise dans les affiches de country, avec un style caractéristique à base de grandes lettres, de dessins gravés simples mais efficaces et de photos tramées.
Elles sont imprimées avec des presses typos (le letterpress). L'atelier est toujours actif aujourd'hui.




Les premières affiches de rock apparaissent au début des années 50, bien que le terme “rock’n’roll” soit déjà couramment utilisé depuis la fin des années 30 dans la communauté afro-américaine.
Le style alors en vogue est qualifié de Boxing Style. Comme dans les affiches de boxe (et de catch), il s’agit de compositions typographiques très simples réalisées avec des grandes lettres gothiques (c’est-à-dire des caractères bâtons d’épaisseur égale et sans empattements) et wood type.
C’est l’arrivée d’Elvis et son fulgurant succès qui popularisent le rock’n’roll auprès du public blanc. Le rock devient un des phénomènes culturels de masse les plus importants des années 50, avec l’avénement d’une culture (et d’un marché) destinés aux teenagers.







 Affiches Globe (Baltimore)

L’imprimerie Globe de Baltimore est renommée pour ses affiches très colorées de rhythm’n’blues qui attirent surtout le public afro-américain.













Les années 60 voient l’arrivée sur le marché américain de nouveaux groupes anglais, 
Beatles et Rolling Stones en tête, qui détrônent les rockers des origines.






Affiches psychédéliques

Le style des affiches évolue, on passe progressivement d’affiches du type Boxing Style purement informatives (réalisées par des artisans imprimeurs anonymes) à des affiches plus artistiques, où ne figurent pas nécessairement les portraits dessinés ou photographiés des musiciens.
A la fin des années 60, le rock se situe au coeur d’une contestation sociale née aux USA et qui a gagné la plupart des pays occidentaux.
Les affiches rock de cette époque traduisent parfaitement cette remise en question de la société bourgeoise traditionnelle et de ses codes de représentation. La ville californienne de San Francisco (Mecque du mouvement hippie) et ses salles de concert se trouve à l’épicentre de ce courant. En particulier le Fillmore Auditorium et l’Avalon Ballroom, qui font imprimer des affiches pour les concerts de rock psychédélique qui s’y déroulent.
Des artistes tels que Rick Griffin, Stanley Mouse et Victor Moscoso réalisent des affiches “organiques” qui ne donnent plus la priorité aux informations, souvent difficilement lisibles.
Il s’agit désormais de créer un “objet émotionnel” à base de courbes et de volutes, de laisser s’exprimer sans barrières un nouveau vocabulaire sensuel où les lettres et le dessin s’enchevêtrent inextricablement.
Cette accumulation désordonnée d’images, cette absence volontaire de rigueur formelle est destinée à reconstituer un état euphorique délirant, une sorte d’expérience cosmique provoquée par l’expansion de la conscience (et produite par le LSD, l’”acide”, drogue hallucinogène très prisée à cette époque).
Ces artistes revendiquent l’influence de l’Art Nouveau, courant esthétique qui puisait son inspiration dans le monde végétal.

Rick Griffin


Rick Griffin




Rick Griffin



Victor Moscoso










Stanley Mouse



Références de l'Art Nouveau

























Affiches punks

A partir du milieu des années 70, le rock psychédélique s’essouffle et cède bientôt du terrain face à un nouveau mouvement contestataire : le punk.
Ce courant trouve sa véritable origine aux USA, dans la scène garage des années 60, avec Iggy Pop et les Stooges. Mais c’est en Angleterre qu’il explose en 1976. Grâce au manager Malcolm McLaren qui révolutionne la scène musicale à Londres en créant les Sex Pistols. Ces gamins intrépides, pourtant piètres musiciens, deviennent en quelques mois les catalyseurs de la colère d’une frange de la jeunesse de pays occidentaux ravagés par le déclin industriel et une sévère crise économique (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie…).
Le punk se définit comme l’image inversée du mouvement hippie. Il remporte l’adhésion de jeunes de toutes origines. “Hate and War” remplace “Peace and Love”.
Le mot d’ordre, “No Future”, implique une éthique de l’urgence et de la vitesse. Les chansons n’excèdent pas 2min30, par opposition aux compositions de rock psychédélique et de free jazz qui s’étalaient sur 20 minutes.
Incisif comme la musique qui l’accompagne, le graphisme punk prend le psychédélisme à contrepied. Il se veut aussi laid que les villes qui l’ont vu naître.
Finies les couleurs vives, on utilise souvent du noir et parfois une autre couleur en plus. Finies les volutes tarabiscotées et les typos baroques. Le style, à base de collages, est aussi agressif que minimal. Finies les subtiles impressions en offset ou en sérigraphie. L’esthétique du DIY, Do It Yourself, prime. C’est le règne de la débrouille.
On utilise des ciseaux, des tubes de colle, des lettrages hâtivement rajoutés à la main ou découpés dans des magazines, des typos transfert Mecanorma ou Letraset… et des photocopieuses. La photocopieuse Xerox représente alors un progrès technique important (et surtout abordable), même si ce mode de reproduction s’avère rudimentaire.
Le but est de provoquer, voire d’effrayer en exploitant des imageries controversées, taboues, idéologiquement ambigües. Les médias de masse utilisent d’ailleurs le mouvement punk pour engendrer une “panique morale”, destinée à conforter les valeurs de la classe dirigeante.
Après une existence aussi brève qu’agitée, les Sex Pistols se séparent en 1978.
La spontanéité des débuts cède alors la place à une mode stéréotypée, vite récupérée par les maisons de disques, la publicité et le prêt-à-porter.
Cependant, les graines de la contestation se répandent dans la plupart des autres pays industrialisés avec parfois plusieurs années de décalage.















Affiches New Wave

Le nihilisme et le chaos du punk débouchent la New Wave. Ce courant conserve la radicalité et l’”anti-positivité”. Plus intellectuel et sophistiqué, il développe un graphisme influencé par les années 20, 30 et 50. D’ailleurs un des groupes-phares de cette mouvance se baptise Bauhaus (en hyperlien la scène d'ouverture du film The Hunger, avec la chanson Bela Lugosi's Dead).





Affiches New Wave belges

A partir de 1979, Bruxelles occupe une place de premier plan et d'avant-garde dans ce courant. Une aristocratie intellectuelle et artistique investit le fameux Plan K (une ancienne sucrerie de Molenbeek) pour y organiser concerts et événements. 
La journaliste Annick Honoré y joue une rôle central. Des liens étroits se tissent avec la scène de Manchester, le label Factory et le groupe emblématique Joy Division
D'autres lieux apparaissent (Le Canotier à Auderghem, Le Klacik à Uccle...). 
Ensuite des labels de disques indépendants se créent (Les Disques du Crépuscule, Factory Benelux et Crammed Discs, fondés en 1980; Play It Again Sam en 1983...). Plusieurs graphistes composent des affiches qui témoignent, encore aujourd'hui, de la vigueur de ce style.


















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