mercredi 13 mars 2024

AFROVINYL

 Pochettes de disques de l’Afrique de l’Ouest, des années 60 aux années 80

La culture musicale de l’Afrique de l’Ouest (Nigeria, Ghana, Togo, Benin…) se caractérise par son mélange dynamique de tradition et de modernité venue d’outre Atlantique.
Un des courants principaux est le HIGHLIFE (ou HILIFE) qui trouve son origine au Ghana dans les années 1920, à travers les chorales religieuses, les fanfares et les rythmes traditionnels. Highlife signifie « La belle vie ». Il s’agit d’un genre musical populaire urbain intégré dans la vie quotidienne des Africains. Le chant y tient la place principale. Après la seconde guerre mondiale, sous l’influence du jazz et du swing apportés par les soldats américains et européens, le highlife se répand dans toute l’Afrique de l’Ouest et même au-delà, jusqu’au Congo et au Kenya.
Le contexte de la décolonisation crée les conditions d’une émancipation culturelle et la musique devient le vecteur de l’affirmation d’une identité. Les années 60 voient les concepts du panafricanisme et de la solidarité des peuples noirs défendus par l’élite intellectuelle.
Les musiques de l’Afrique de l’Ouest s’internationalisent en s’imprégnant de rythmes latins, de reggae, de soul, puis de funk, de rock psychédélique et enfin de disco. On parle alors d’afro-beat, d’afro-jazz, d’afro-funk, d’afro-pop…
A partir des années 80, le highlife renaît sous l’impulsion de mouvements religieux très puissants et subit l’influence du gospel.
Ce bouillonnement musical se traduit par une production intensive de disques. Les pochettes se distinguent par leur design très coloré.
Au départ, tout comme en Occident d’ailleurs, l’art de la pochette de disque n’existait pas. Les 78 tours en gomme-laque étaient emballés dans des pochettes de papier brun. C’est à partir de l’avénement du disque vinyl et du format 33 tours que la pochette peut enfin se transformer en oeuvre d’art à part entière. En Afrique de l’Ouest, ce basculement se produit à partir du milieu des années 60.
Les artistes africains (souvent anonymes) s’avèrent très créatifs et n’hésitent pas à mélanger plusieurs techniques, notamment celle du collage. 
Les personnages photographiés et colorisés (éventuellement en bichromie) peuvent être intégrés dans une composition comprenant des motifs et des éléments peints ou dessinés.








































































La typographie (fréquemment tracée à la main) occupe une place importante. 
Les lettrages deviennent ainsi des oeuvres graphiques à part entière.






























L’accent est mis sur des couleurs chaudes, surtout le jaune. 
Une créativité débridée compense le manque de moyens techniques (pour cette raison, beaucoup de pochettes sont entièrement réalisées à la main).




































Une part non négligeable de la production musicale est tournée vers la religion chrétienne (cultes catholique et protestant, sectes).






Outre des motifs africains traditionnels, les graphistes recyclent et adaptent à leur façon différents courants artistiques prépondérants, comme le Pop Art.






Müller-Brockmann : affiche Beethoven, 1955



Jasper Johns : Target, 1955



Guy Peellaert : Pravda La Survireuse, 1967


Le succès international rencontré par certains groupes africains les emmènent à collaborer avec des illustrateurs et designers occidentaux. Citons Osibisa, groupe d’afro-pop en partie ghanéen, installé à Londres, qui sollicite en 1971 l’illustrateur anglais Roger Dean (célèbre pour ses pochettes des groupes de rock progressif Yes et Asia). 



Osibisa, 1971


Autre exemple : Neville Brody, connu pour ses pochettes de groupes post punk (Cabaret Voltaire, 23 Skidoo, 8 Eyed Spy…), collabore en 1984 avec le groupe de highlife Kantata.



La redécouverte actuelle des musiques de l’Afrique de l’Ouest est essentiellement dûe aux « diggers », ces chercheur de vinyls rares apparus à l’origine dans les milieux hip hop. 
Certains d’entre eux alimentent des blogs très bien fournis :

Ce phénomène a favorisé la sortie de nombreuses compilations (dont le design s’inspire largement des pochettes africaines originales) qui ont contribué à populariser et à ressusciter ce style musical :




Superflyrecords, label parisien spécialisé dans la réédition luxueuse (souvent à destination d’une clientèle japonaise) :

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